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Un entretien au sujet de Zones érogènes

Un entretien au sujet de Zones érogènes

29 novembre 2014 11 h 00 minPas de commentaires

La semaine dernière, Anne-Perrine, Guillaume, Ludivine et Marie Lou ont rencontré Orane. Celle-ci souhaitait réaliser un entretien destiné à être diffusé originalement sur un site dont nous vous révélerons le lien dans quelques semaines. Dans sa forme, l’interview sera revisitée afin de proposer un contenu plus concis aux lecteurs – mais Orane nous a donné l’autorisation de publier ici la retranscription de nos échanges. Nous la remercions chaleureusement pour tout ce travail accompli !


Orane : Comment vous est venue l’idée de ce collectif d’artistes et d’auteurs ?

Marie Lou : Sauvage Garage c’est l’idée d’un collectif, lancé par Anne-Perrine et Anne en août 2012, pour lier plusieurs personnes de milieux artistiques différents et échanger sur des projets artistiques : on est une grosse majorité d’illustrateurs et de graphistes mais on a aussi des écrivains, des photographes… On se retrouve entre potes, issus des quatre coins de la France, qui apprécient vraiment les travaux des uns et des autres et qui partagent un peu les mêmes sensibilités, pour mélanger nos univers et en sortir. L’envie c’était de créer un groupe pour faire ce qu’on aime sans contraintes, en dehors des cadres scolaires ou très professionnels. Pour ma part c’était entrer dans l’artistique, puisque mes études m’en coupaient complétement.

Anne-Perrine : Anne a proposé le nom « Sauvage Garage » : « sauvage » parce que même avec une structure associative c’est un collectif très libre ; « garage » pour l’image du jeune groupe de rock qui joue dans son garage, et parce que c’est là qu’on bricole et qu’on produit des trucs. Il n’y a aucune obligation à la production, la participation est libre.

Il parait que vous avez travaillé avec le festival Vie Sauvage !

Anne-Perrine : Oui ! Vie Sauvage organise depuis trois ans un festival à Bourg sur Gironde : cette année on a travaillé avec eux. On a fait une fresque pendant le festival à la lumière noire, des affiches réalisées en sérigraphie annonçant la programmation musicale, ainsi qu’un reportage graphique du festival avec nos croquis des concerts.

Ludivine : D’ailleurs, pour découvrir tous nos reportages dessinés de concerts, vous pouvez jeter un œil sur le Tumblr de notre projet collectif Sauvage Tapage !

Et aujourd’hui vous êtes à fond sur votre nouveau super projet : Zones érogènes !

Guillaume : À la base Zones érogènes c’est un questionnement de Sarah A. sur la place de la femme dans la bande dessinée pornographique et érotique. Ce thème d’exposition s’est ensuite ouvert à un questionnement plus général sur l’érotisme, la pornographie et les sexualités – avec le pari de ne pas mettre une sexualité plus en avant qu’une autre, de traiter la chose de façon égalitaire. La vision qu’on propose est plutôt ouverte, pas toujours frontale et directe, et elle essaie de créer des liens avec d’autres disciplines, comme l’architecture par exemple.

Est-ce que vous diriez que c’est un projet engagé ?

Ludivine : Aujourd’hui, on ne peut pas parler de sexualité ou de pornographie sans être engagé, de toute façon ! Rien que le fait d’en parler ouvertement et de faire une exposition…

Guillaume : Dernièrement, dans l’actualité, pas mal de chose se produisent comme le saccage de l’œuvre d’art Place Vendôme. Et les vidéos de John Deneuve faites sur un ton humoristique et absurde, Éducation sexuelle, ont été supprimées du site d’Arte suite à des plaintes initiées par Alain Soral. Le climat actuel renforce l’aspect engagé de notre projet.

Anne-Perrine : Il y a aussi l’expo du Zizi sexuel à la Cité de la science ! Elle a subi les foudres des manifestants et des gens qui font des pétitions pour interdire l’exposition parce que « dangereuse pour les enfants », alors que cette expo a déjà été mise en scène. Et puis cette photo de Diane Ducruet sur la relation mère-fille qui a été retirée d’une expo à Paris, sans l’autorisation de l’auteure…

Par sa volonté de représenter des sexualités variées, avec notamment le regard d’artistes meufs et queers, on serait tenté-e-s de qualifier Zones érogènes de féministe. Qu’en pensez-vous ?

Marie Lou : Nous, notre engagement c’est de produire, de présenter notre vision personnelle. Ainsi tout le monde dans le collectif ne va pas revendiquer son travail comme « féministe », même si je pense que tout le monde est plus ou moins sensible à cette question. Mon avis c’est qu’on est quand même une majorité de meufs dans Sauvage Garage, et on va tous plus ou moins parler de cul, graphiquement ou pas… Et même si on est en 2014, la pornographie est encore vachement pensée par et pour les mecs et on y retrouve encore plein de clichés misogynes et racistes. Finalement, rien que le fait qu’une meuf soit ouverte à une production graphique sexuelle, j’affilierais personnellement ça à du féminisme.

Ludivine : Si on ne revendique pas l’expo comme « féministe », ce n’est pas parce qu’on a peur du mot mais bien par soucis de ne pas parler à la place des autres.

Anne-Perrine : Après, il est aussi question d’œuvres qui parlent à tout le monde, sans s’adresser à un ou des genres particuliers. Des œuvres tactiles par exemple, qu’il faut explorer avec la main.

Marie Lou : La sensualité et l’érotisme ne sont pas forcément liés qu’au corps ! Je demandais d’ailleurs l’autre jour à des potes : peut-on faire du pornographique sans organes génitaux ?…

Pour ce qui est des thématiques LGBT et queer : avez-vous envisagé des projets en particulier, dans le cadre de Zones érogènes ou non ?

Marie Lou : Un de mes projets pour Zones érogènes porte justement sur la création d’un ensemble d’illustrations que je souhaite excitantes avec des représentations queer, des corps et des sexualités différentes. Un autre inclura des meufs ensembles, ou un mec trans… mais s’il présente des personnes queer ce sujet ne sera pas pour autant étiqueté comme tel. L’idée c’est de donner à voir une multitude de représentations de sexualités queer. Et afin de représenter des désirs variés – et pas exclusivement les miens – j’ai lancé un sondage anonyme sur les sexualités queer ! Si des lectrices et lecteurs qui s’identifient queer sont intéressé-e-s pour parler de ce qui les excite, c’est ici !

Et la question bonus… Avez-vous été témoins de sexisme dans le milieu artistique ?

Anne-Perrine : Avec Ludivine, au festival d’Angoulême de l’année dernière, nous avons vu une conférence qui se voulait ironique et prenant le contre-pied de la question de la place des femmes dans la BD… On était en colère parce qu’au lieu de donner la parole à des femmes pour un sujet intéressant, ils ont préféré faire un truc ironique avec des hommes pour parler de « la place des hommes dans la BD ». Au départ ça ne se voulait pas méchant et décalé, mais ça s’est transformé en un truc tellement malsain…

Ludivine : Certaines personnes étaient en colère mais la majorité des gens riaient ou prenaient effectivement les propos sexistes au premier degré ! Je pense que c’est important d’en parler parce que c’est un gros festival et que c’est un petit peu passé comme une lettre à la poste.

Si le projet Zones érogènes vous rend tout happy-yay, il vous reste encore une petite dizaine de jours pour participer à la collecte Ulule, juste ici !

Louison : Si vous avez même 5 euros à dépenser pour nous aider à monter un évènement sexy, différent, talentueux, souple et ouvert d’esprit, s’il vous plait participez, partagez, répandez l’info en paillettes érotiques !

Propos recueillis par Orane

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